Les tribunaux de la Guadeloupe, de Saint Martin et de Saint Barthelemy, dont le siège commun est à Basse-Terre, ont reçu ces jeudi 13 et vendredi 14 février 2020, la visite de M. Bruno Lasserre.
Bruno Lasserre, qui préside le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative de France, était accompagné d’une importante délégation venue à la rencontre des magistrats et des greffiers de la Guadeloupe après avoir rencontré ceux de la Martinique et de la Guyane. Cet évènement s’inscrit dans le cadre des visites périodiques de l’ensemble des juridictions administratives, environ tous les 4 ans. Mme Phemolant, présidente de la cour d’appel de Bordeaux faisait partie de la délégation, ladite cour étant la juridiction d’appel de l’ensemble des tribunaux des Antilles et de la Guyane.
M. Lasserre a souligné les efforts importants réalisés par les trois tribunaux de la Guadeloupe, Saint Martin et Saint Barthelemy pour diminuer les stocks ces dernières années et arriver, en 2018, à un taux de couverture de 104,9%, et en 2019, à un délai moyen de jugement, toutes affaires confondues, de 8 mois et 12 jours.
En 2019, les tribunaux administratifs de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont connu une hausse significative de leur activité au cours : En effet, 1 679 affaires ont été enregistrées, soit une hausse de plus de 22 % en comparaison avec l’année précédente. Si les 3 tribunaux ont pu répondre à cette hausse par l’augmentation du nombre d’affaires jugées (1 444, + 2,3 %), le nombre d’affaires en stock a augmenté (+ 24,3 %). Toutefois, les affaires de plus de deux ans restent faibles (1 % du stock).
Cette hausse des affaires enregistrées s’explique notamment par l’augmentation du contentieux des étrangers, à l’instar de bon nombre de juridictions d’outre-mer. Les tribunaux administratifs se rapprochent désormais de la moyenne nationale en ce qui concerne ce contentieux (40 %), puisqu’en effet, 37 % des affaires enregistrées par les trois tribunaux concernent cette matière (612 dossiers), soit une hausse de 138 % par rapport à 2018. Ce contentieux pourrait être amené à augmenter au cours des années à venir en raison notamment de la dégradation de la situation humanitaire en Haïti.
Quant au contentieux de la fonction publique, celle-ci représente 12 % des affaires enregistrées et 21 % des affaires jugées, ce qui en fait la seconde matière contentieuse. Les trois tribunaux jugent deux fois plus de contentieux dans cette matière que la moyenne de l’ensemble des tribunaux administratifs de France.
Une autre spécificité du contentieux local est le nombre important de référés provisions enregistrés au cours de l’année 2019 (60 requêtes). Cette procédure accélérée permet d’obtenir le versement d’une avance sur une somme due par l’administration. Ce nombre important de référés provisions s’explique par le défaut de paiement chronique des collectivités locales de leurs dettes. De nombreuses communes de Guadeloupe tout comme des établissements publics de l’archipel sont sous tutelle, en grande difficulté financière et surendettées, et ne payent donc pas les travaux ou prestations commandées.
Ainsi, les trois tribunaux administratifs de la Guadeloupe, Saint Martin et Saint-Barthélemy sont confrontés pour les années à venir, et dans des proportions peut-être plus importantes qu’ailleurs, à la croissance importante du nombre d’affaires entrantes, ce qui, pour M. Lasserre, représente un nouveau défi pour ces juridictions.
Le nouveau projet de juridiction que devra rédiger leur président commun, M. Didier Sabroux, sera l’occasion d’une refonte approfondie de l’organisation et des modes de fonctionnement des trois tribunaux. Ce projet devra tenir compte de la montée en puissance de la numérisation par l’application télerecours (voir notre article sur le sujet), désormais accessible aux citoyens, mais aussi d’une utilisation favorisée, dans certains domaines particulièrement adaptés, du recours à la médiation, comme nouveau mode de règlement des litiges. Six dossiers de médiation ont été ouverts à l’initiative du juge et cinq à la demande des parties, soit un total de onze dossiers en 2019, en matière de fonction publique, d’urbanisme et de marchés publics. Les tribunaux administratifs comptent sur leurs bonnes relations avec l’ensemble des acteurs publics des collectivités et des administrations de l’Etat afin de développer ce mode de résolution alternatif des litiges.